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« Une fois de plus, en voulant ouvrir les portes du Paradis, l’Humanité
avait enfoncées celles de l’Enfer. » Emerald Dead-eye Flint.
Enfin un peu de calme ce soir. Les batteries d’artilleries du NOD font
une pause. J’en profite pour écrire quelques lignes. La journée
a été longue et difficile. Mark, Jake, Lisa,… Je ne compte
plus les camarades morts, tués par un ennemi invisible. Plus encore que
les obus, ce sont les raids de la Confrérie qui sont meurtriers.
Chaque matin, après avoir tiré toute la nuit, les artilleries
placées sur les collines entourant la ville s’arrêtent. Ils
envoient ensuite leurs colonnes : des soldats et des tanks couverts par des
hélicoptères, avec ordre de tirer sur tout ce qui bouge. Leur
tactique est payante : nos pertes sont énormes dans le quartier. Ailleurs,
je ne sais pas, car les contacts radios sont courts et brouillés.
Par la fenêtre, je peux voir les immeubles qui m’entourent. Certains
ont perdu un étage, d’autre le toit, certains sont même Ã
terre. Avec les jumelles, je vois le drapeau du NOD qui flotte au-dessus d’un
arsenal civil situé en périphérie de la ville.
L’explosion m’a rendu presque sourd. Les artilleries pilonnent notre
position. À travers le trou béant du mur, j’aperçois
la façade d’un immeuble voisin qui s’écroule. L’image
disparaît dans la fumée et la poussière. Je ne vois plus
rien, je n’entends plus que les explo…
Le reste de la phrase est couvert de sang. La main du soldat qui avait écrit
dépasse d’un amas de débris. La maison où il se trouvait
a été broyée par un énorme morceau de béton
arraché d’un immeuble voisin. Saloperie de guerre. Ça ne
devait pas se passer comme ça : on devait évacuer la ville et
repartir tranquillement, le NOD étant trop loin pour participer Ã
la fête. Seulement voilà , la Confrérie avait utilisés
des générateurs furtifs et elle était là . Dès
notre arrivée, les roquettes avaient fusé, détruisant les
transports. Le mien a réussi à se poser, et ça a été
le début de l’enfer. Philadelphia est débordée. On
nous promet des renforts, de quoi se barrer de ce piège. Rien ne vient.
La sensation d’être abandonnés par nos chefs est de plus
en plus forte... La voix de Mike dans mon casque me tire de mes pensées.
- Hype, y a une colonne du NOD qui approche, faut qu’on retourne se planquer.
Je le suis en mettant le carnet dans une de mes poches. Il faudra que je le
lise entièrement. Deux rues plus loin, nous retrouvons notre «
abri » : un sous-sol vaguement aménagé, suffisamment solide
pour nous protéger et pas trop inondé. Ailleurs, les canalisations
ont sauté, noyant les caves. Lorsque je rentre, Cathy ferme la porte
derrière moi. La plupart d’entre nous se planque dans la pièce
à côté, à l’abri. Je reste avec Mike, près
d’une petite fenêtre.
Le bruit des hélicos devient de plus en plus fort. En même temps,
on entend les chars et les hommes dans la rue. La tension monte, elle est presque
palpable. Le grondement des moteurs rempli notre planque. Un instant, je suis
persuadé qu’il vont nous trouver. Mais non. La colonne poursuit
son chemin sans passer dans la rue. Je souffle. Notre tour n’est pas encore
venu. Après avoir échangé quelques paroles avec Mike, je
me dirige vers le fond de la pièce, où sont entassés des
matelas. J’en prends un et je me couche après avoir enlevé
mon équipement. Je suis tellement crevé que je m’endors
aussitôt.
Je suis réveillé par Cathy qui me secoue doucement. Je mets un moment
à émerger. À la fatigue que je ressens, je comprends que
je n’ai pas dormi longtemps. Il fait presque nuit maintenant et la pièce
est plongée dans la pénombre. J’aperçois mes camarades
qui se regroupent à l’entrée. Cathy m’aide Ã
me lever et me tend ma combinaison. Je me tourne vers elle. C’est une femme
blonde, assez grande. Avec son visage souriant et ses yeux verts qui pétillent
en permanence, on l’imagine mal tuer quelqu’un. Elle en est pourtant
capable, je l’ai vu faire.
- Qu’est ce qui se passe ? On se tire d’ici ?
Cathy se tourne vers moi en hochant la tête.
- On a reçu un message de Croix-du-Sud. On évacue la ville par
le port, mais il faut le rejoindre par nos propre moyens.
Je secoue la tête. Il va falloir traverser un quart de la ville. Ça
va être coton. Je rejoins les autres à l’entrée. Le
capitaine Keriadh nous donne les dernières données en date sur
le chemin que nous allons parcourir, puis il prends la tête du groupe.
Lorsque j’émerge du sous-sol, je suis frappé par l’atmosphère
qui règne dehors. Les gravats encombrant la rue, les bâtiments
détruits,… Les dernières lueurs du Soleil à l’horizon
renforcent l’impression de solitude et de fin du monde qui nous saisit
tous. Nous n’avons pas le temps de nous attarder. Nous nous remettons
en route, nous couvrant les uns les autres avec nos armes. Malgré le
stress et la peur, l’entraînement reprend le dessus. Il est toujours
possible qu’un sniper ait envie de jouer au tir au pigeon avec nous.
Nous traversons la rue sans problèmes. Nous prenons la direction du Sud-Est.
À l’angle de la rue, le capitaine jette un œil puis nous fait
signe de passer. La progression dans les ruines est épuisante, et la
pression n’arrange rien. Alors que nous avons parcourut la moitié
du chemin, le capitaine décide de faire une halte. Nous pénétrons
dans le hall dévasté d’un immeuble. Le sol est jonché
de débris. Mike s’assoit contre les rangées de boîtes
aux lettres et allume une cigarette. Personne ne parle. Seul le grésillement
de la radio trouble le silence. C’est Keriadh qui tente de contacter le
port. Sans succès apparemment. Dix minutes plus tard, il nous donne l’ordre
de repartir. Nous continuons notre chemin, lorsque le bruit d’un hélico
se fait entendre. Le capitaine réagit immédiatement.
- La moitié du groupe d’un côté de la rue, l’autre
moitié en face ! Vite !
Nous sommes rapidement en position. Mon groupe se planque dans une boutique
dévastée. Je m’accroupis derrière un vieux comptoir
en bois couvert de bris de verre. Allongé par terre, je remarque le cadavre
du propriétaire. Je n’ai pas le temps de m’en occuper plus
longtemps. Un Scarabée est en train de passer devant la vitrine, suivi
de trois autres. Ils disparaissent rapidement, ainsi que les hélicos
qui les couvrent. Alors que nous nous préparons à partir, une
patrouille de soldats du NOD passe dans la rue. Impossible de se cacher. Je
plonge au sol tandis qu’ils ouvrent le feu. Keriadh hurle de tirer. Immédiatement,
les balles sifflent dans tous les sens, brisant ce qui reste de la vitrine.
L’ordre de cesser le feu retentit dans mon casque trente secondes plus
tard. La patrouille ennemie est dans la rue, déchiquetée par les
balles. La radio de l’un des cadavres crachote des appels paniqués.
Il va falloir se tirer vite fait. Toute l’équipe se regroupe dans
la rue, et nous reprenons le chemin du port, en courant cette fois. Par miracle,
nous atteignons sans problèmes l’avenue qui mène au port.
Nous continuons à courir, malgré la fatigue de plus en plus insistante.
Un léger bourdonnement rempli la rue, presque imperceptible. Soudain, une
carcasse de voiture est éjectée sur le trottoir. En un éclair,
je comprends ce qui se passe. Le capitaine aussi. Il nous hurle de nous disperser
dans les maisons puis ouvre le feu. Il est imité par le reste de la section.
Les impacts des balles semblent apparaître comme par magie dans le vide,
au-dessus de la route. Se voyant découvert, le Tank furtif désactive
son champ d’invisibilité et fonce vers nous en crachant ses roquettes.
Je plonge vers la porte la plus proche et je l’enfonce, suivit par Mike.
Ma jambe heurte violemment une chaise et je tombe, manquant de m’assommer
avec un bloc de béton tombé du plafond. Le Tank passe en trombe
derrière nous, fauchant les soldats qui n’avait pas pu se sauver.
Trente secondes plus tard, une explosion secoue la zone, faisant tomber une pluie
de plâtre.
Je tente de me mettre debout, mais ma jambe est incapable de me porter. Mike m’aide
à tenir en équilibre en passant mon bras droit sur ses épaules.
Lorsque nous jetons un œil par la porte, nous voyons la carcasse du Tank
en train de brûler, un Titan au canon encore fumant derrière elle.
Des Marines courent à notre rencontre, suivi par un VBT. Ils embarquent
les morts puis nous font signe de monter à l’intérieur. J’obéis
en boitant. L’un des Marines s’adresse à moi en criant pour
couvrir le bruit des tirs qui ont lieu à quelques rues d’ici.
- Nous vous ramenons au port. Quand nous y serons, embarquez dans l’un
des transports Orca en vitesse. Vous êtes les derniers, on va partir d’ici.
Il ajoute quelque-chose, mais le vrombissement du moteur couvre sa voix. Le
VBT fait demi-tour et se précipite vers le port. Au passage, il fait
une embardée sur la gauche pour éviter les restes du Tank furtif.
Quand il s’arrête, la porte s’ouvre et nous sortons rapidement.
En face de nous, à 500 mètres, un silo à pétrole
est en flammes. Les soldats du NOD qui l’ont détruit tentent de
se replier, mais les tirs des Marines sont précis et tous finissent au
sol. L’un des Marines nous montre les Orcas sur le quai. Autour d’eux,
il y a beaucoup d’agitation. Des camions roulent vers des transports spéciaux,
des chasseurs Orcas atterrissent et décollent.... Nous courons vers les
transports. Mike grimpe dans le plus proche. Je tente de le suivre, mais un
technicien me fait signe que le transport est plein et me montre un autre. Je
court dans sa direction, abruti par la fatigue et la douleur. Le grondement
sourd des moteurs n’arrange rien. Je suis suivi par Cathy et deux autres
soldats de ma section. L’Orca est bourré à craquer. Nous
prenons les dernières places assises. La porte se referme derrière
nous. Par un hublot, je peux voir le transport de Mike décoller. Le nôtre
le suit. Alors que nous contournons le Cap à l’extrémité
de la baie, trois missiles sont tirés de la falaise. Deux chasseurs Orcas
la balayent avec leurs mitrailleuses, mais il est trop tard. L’Orca de
Mike explose dans un nuage de débris. Je voudrais crier, pleurer, hurler…
Mais je suis trop fatigué. Il n’y a plus que cela : la fatigue
et la souffrance. Peu à peu je sombre dans l’inconscience, et je
plonge dans les ténèbres avec soulagement.
Le Char Scarabée roule sur l’avenue que j’ai empruntée
il y a quelques jours, puis enfonce la clôture grillagée du port.
À côté de la tourelle, il y a deux soldats du NOD. L’un
est assis, l’autre debout. D’autres chars les suivent. La voix du
présentateur commente la vidéo, d’un ton enjoué comme
s’il annonçait les résultats du loto.
- C’est après plusieurs semaines de combats acharnés contre
les forces impérialistes du GDI que nos troupes ont pu libérer
Toulon. L’évacuation de la ville par l’ennemi il y a quatre
jours consacre la supériorité militaire de la Confrérie.
Les images s’arrêtent, le studio réapparaît. À
la vue du sourire du présentateur, j’ai envie de lui envoyer mon
poing dans la mâchoire.
- Selon une rumeur insistante, Kane en personne serait venu féliciter
nos soldats… Tout de suite, une analyse détaillée de la
Divination au Tibérium et de ses bienfaits.
Le symbole du NOD s’affiche. En-dessous, je peut lire l’un de leurs
slogans : LA PAIX PAR LE POUVOIR
Le sergent Hype fut démobilisé à son retour de Toulon
et envoyé dans un hôpital. Mentalement détruit par les événements,
il s’ajouta à la liste des milliers de victimes anonymes de cette
guerre. Incapable de s’intégrer de nouveau à la société,
il s’installa dans un endroit désert des Rocheuses, en Amérique
du Nord. Il mourut un an plus tard, tué par les vapeurs d’un missile
chimique au tibérium qui s’était écrasé non-loin
de chez lui suite à une panne de ses systèmes de bord.
Histoire écrite par Reventlov. |
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