|
Spéciale dédicace à Runewiz, où que tu sois
tu restera dans nos cœurs, nous te souhaitons tous bonne chance pour la
suite.
Bonne chance également à NK, qui semble être plongé
dans le coma depuis déjà plusieurs semaines. Qu’il nous
revienne le plus vite possible en pleine forme…
LA FAUCILLE CONTRE LE MARTEAU
Troisième Partie
Nerveux ? Ydis l’était. En l’espace de quelques heures,
il avait quitté l’humidité glacée de sa maudite cellule
qu’il avait côtoyé pendant une trentaine d’années
pour monter à bord d’un avion cargo Allié qui l’emmenait
à présent droit vers les territoires enneigés de l’URSS
dans le but d’accomplir une mission dont il ne saisissait pas encore l’utilité.
Il ne voyait en ce devoir qu’un moyen d’assouvir un vieux désir
de vengeance envers les soviétiques.
La carlingue de l’énorme avion vibrait à chaque fois que
les pales des moteurs accomplissaient une rotation autour de leur axe. Il volait
par une nuit de pleine lune, tout feu éteint à très basse
altitude et suivait les plaines et les petites montagnes pour rester hors de
portée de la couverture radar de l’Armée Rouge. Toutes les
lumières à l’intérieur de l’engin étaient
interdites. Seul un néon mauve diffusait de la lumière noire en
faisant ressortir d’une façon inquiétante la dentition blanchâtre
des soldats, permettant aux personnes présentent de discerner leurs semblables
à travers l’obscurité exigée ; obscurité qui
rappelait amèrement au Faucheur Noir sa prison de béton armé.
Une dizaine de marines étaient présents, armes à portée
de main, et étaient tous prêt à ouvrir le feu sur Ydis si
celui-ci tentait désespérément de prendre le contrôle
de l’appareil pour s’enfuir. Se tenant sur le banc en face de lui,
les deux agents gouvernementaux se préparaient pour l’opération.
A les observer activement, ni l’un ni l’autre n’avaient l’air
d’être digne de confiance. L’un d’eux se leva, prit
la peine de s’accrocher à une poignée pour éviter
d’être renversé par un trou d’air inattendu et vint
se rassoire à côté d’Ydis qui ne broncha. L’homme
à la mine antipathique commença :
« C’est donc vous le célèbre Faucheur Noir ? Sachez
que je suis extrêmement enchanté de pouvoir vous rencontrer, dit-il
même s’il ne distinguait pas vraiment son interlocuteur à
cause de la pénombre. J’ai souvent entendu parler de vos exploits
dans la presse. Ce sera sûrement intéressant d’accomplir
une mission en votre présence. Mais permettez-moi de me présenter
: Matt Sheffield, agent de la CIA. »
Le vieil homme restait impassible, comme à son habitude. Il n’avait
que faire de ce que lui racontait cet agent gouvernemental. Il tenta de l’ignorer,
ne lui adressa même pas un regard et voulu lui faire comprendre qu’il
désirait qu’il déguerpisse au plus vite avant qu’il
ne perde patience. Matt Sheffield s’en rendit compte :
« Si vous commencez à me rejeter de cette façon, cette mission
sera un véritable calvaire autant pour vous que pour moi. Il vaut mieux
que nous fassions plus amples connaissances immédiatement pour faire
du bon travail une fois sur place. En équipe, on accompli plus de chose,
vous ne croyez pas ? »
Ydis haussa les épaules et répondit d’un ton ferme :
« Sachez que je n’ai aucune envie de mieux vous connaître
ni aucune envie d’accomplir cette mission. Mais qu’est-ce que je
fais là, dans ce satané avion ? » cria-il en martelant la
carlingue plusieurs fois avec déchaînement.
Matt Sheffield patienta une minute pour que le Faucheur Noir puisse se calmer.
Puis il entama à nouveau la discussion à ses risques et périls
:
« Puis-je vous poser une question ? Comment vous êtes-vous retrouvé
dans la prison la mieux surveillée et le mieux protégée
de tout le pays ? »
Ydis soupira et consenti à répondre en espérant se débarrasser
rapidement de la présence encombrante de cet agent de la CIA :
« J’ai déserté, voilà tout. Je me suis enfui
de l’armée pour rejoindre ma… »
Ydis s’arrêta et serra les dents. S’il avait eux une barre
métallique entre les mains, il l’aurait sans doute pliées
comme de la vulgaire patte à modeler.
« Oui, je sais ce qui s’est passé mais vous n’êtes
pas obligé de me raconter ce passage de votre histoire, répondit
Sheffield pour éviter qu’une nouvelle crise de colère ne
s’empare d’Ydis.
- Je me suis juré de retrouver l’homme qui a assassiné et
abusé de Synthia. Du coup, pour ne pas aller en prison à cause
de ma désertion, j’ai changé d’identité et
j’ai mis mes talents de combats au service d’autrui. Je suis devenu
tueur à gage. J’étais connu sous le pseudonyme du «
Faucheur Noir ». J’ai tué des centaines de personnes. Du
règlement de compte entre mafias rivales à l’assassinat
de célébrité, en passant par le meurtre de plusieurs hommes
politiques, communistes pour la plupart. Mes talents sont décuplés
quand on me demande de tuer des soviétiques. Mais les autorités
américaines ont fini par m’arrêter. Considéré
comme l’une des personnes les plus malfaisantes sur cette planète,
on m’a enfermé sans même me juger jusqu’à ce
que mort s’en suive. Mais elle n’est jamais venue me prendre. Et
j’ai regretté pendant toutes ces années de ne pas avoir
pu faire mourir celui qui a tué ma chère femme. Ces années
de prisons ont alterné ma mémoire et je ne me souviens même
plus du nom de l’assassin.
- Peut-être se trouve t’il parmi ceux que nous allons tuer aujourd’hui.
Vous le supprimerez peut-être sans le savoir… »
Soudain, les deux hommes se sentir légèrement pencher en avant.
L’appareil changeait manifestement de direction. Une voix venant de l’intérieur
du cockpit résonna :
« Nous entrons en URSS. Préparez-vous au parachutage, on monte
un peu en altitude pour vous droper plus facilement. On sera sur place dans
une dizaine de minutes. »
Sheffield regarda discrètement à droite, puis à gauche,
comme pour s’assurer que personne n’était assez proche de
lui pour entendre ce qu’il allait dire. Il s’approcha d’Ydis
et montra furtivement du doigt le deuxième agent qui les accompagnait.
Ses cheveux blond pâle et sa peau lisse d’une blancheur presque
mortuaire dénotèrent que cet agent était très différent
de Sheffield. Il paraissait beaucoup plus jeune et écoutait de la musique
avec deux écouteurs dans les oreilles et s’agitait au rythme des
chansons en marmonnant quelques paroles, parfois en ouvrant grand la bouche
comme pour hurler sans qu’aucun son n’en sorte. Ydis cru reconnaître
dans ses mains la pochette du dernier album de Marilyn Manson.
« Il faut que je vous avertisse d’une chose très importante
avant que nous commencions la mission. Vous voyez cet homme ? Il a l’air
d’un simple agent gouvernemental américain du FBI mais ne vous
fiez pas aux apparences. Il semblerait que des hommes du KGB se soient infiltrés
dans cette organisation. Et je crois que cet agent qui nous accompagne n’est
pas un véritable américain. Si vous écoutez attentivement
sa façon de parler, vous entendrez un léger accent russe dans
certaines de ses syllabes… »
Ydis prit note dans son esprit. Se méfier cet individu, c’est
peut-être un espion russe. Et se méfier également de ce
Sheffield. Les gens trop sympathique ne sont pas forcément dignes de
confiance.
Ne faire confiance à aucun des deux.
L’agent du FBI coupa sa musique et s’approcha d’Ydis en lui
tendant une main amicale que le Faucheur Noir s’abstint de saisir.
« Bon… alors salut, je m’appelle Stanley, c’est moi
le deuxième gars chargé de vous accompagner… »
Il lui tendit un MP5 et un silencieux adaptable.
« … et c’est également moi qui suis chargé de
vous remettre vos armes et vos munitions. »
Ydis le remercia d’un léger mouvement de tête en évitant
de se montrer trop aimable. Sheffield avait raison, cet homme cachait habilement
derrière sa voix un léger accent russe presque imperceptible.
Ce détail renforça sa méfiance à l’égard
de cet homme. Pendant qu’il vissa le silencieux sur son arme automatique,
Stanley continua de parler :
« Alors c’est vous le fameux Faucheur Noir dont tout le monde parle
?
- C’est exact, répondit Ydis.
- Wouah, cool ! J’ai beaucoup entendu parler de vous. Un assassin qui
a tué des dizaines de mecs, hein ? Hé, hé, génial
! »
D’après ces paroles, Ydis pu conclure que ce Stanley n’était
pas d’un grand sérieux. Il soupira et tourna la tête en observant
les plaines sombres par un hublot, se disant qu’avec ces deux imbéciles,
un paranoïaque et un boute-en-train, la mission ne serait pas de tout repos.
Alors qu’il essayait de se changer les idées, il remarqua à
travers le hublot que quelque chose montait dans les airs. Une masse noirâtre
de petite taille se dirigeait à grande vitesse vers leur appareil. Il
l’observa pendant quelques secondes, l’objet inconnu se rapprochant
toujours plus à chaque seconde qui s’écoulait. Lorsqu’il
comprit de quoi il s’agissait, il était déjà trop
tard pour tenter quoi que ce soit. Brusquement, alors que tout le monde pensait
être en sécurité, un obus de DCA éclata près
de l’avion cargo, aveuglant momentanément le Faucheur Noir qui
comprit avant tout le monde ce qui était en train de se passer.
« Ils nous canardent ! hurla le pilote. Il faut monter en altitude ! »
Les explosions étaient maintenant discontinues. Des balles en plomb
et des éclats de métal traversèrent la coque de l’appareil
en plusieurs endroits, tuant ou lacérant mortellement la moitié
des marines. L’avion effectua une série de zigzags pour tenter
d’éviter les tirs des défenses au sol et les rafales de
mitrailleuses ennemis. Mais le poids énorme de l’engin l’empêcha
d’esquiver la plupart des tirs comme l’aurait fait un avion de chasse.
Tel un insignifiant et lourdaud vers de terre sur lequel s’était
jetées des centaines de fourmis véloces crachant de l’acide
formique pour le mettre en pièce, l’avion cargo n’avait pas
la moindre chance de s’en sortir. Les occupant encore entier ou non étaient
ballottés comme des fétus de paille, certains s’écrasant
et s’écorchant contre la carlingue ou s’empalant sur des
vérins dressés comme des pieux métallique aiguisés.
Un autre obus éclata, plus près, plus chanceux que les autres.
La déflagration éventra l’énorme engin en déchirant
sa coque et en arrachant son aile tribord. Sous la violence du choc, tous les
passagers furent jetés contre les parois de l’appareil, certains
dépourvus de parachute basculèrent dans le trou béant à
travers la carlingue et disparurent dans la nuit noire. L’avion se mit
alors à vriller lentement sur lui même, incontrôlable, son
centre de gravité changeant à chaque seconde qui s’écoulait.
Secoué lui aussi, Ydis manqua de peu de s’éclater le crâne
contre la paroi interne de l’avion. Le copilote apparu péniblement
sur le seuil du cockpit et hurla :
« L’avion est foutu ! Il faut quitter l’appareil ! Nous sommes
au-dessus de Kharkov, sautez immédiatement ! »
Stanley agrippa Ydis par l’épaule, s’assura qu’il
possédait bien un parachute et le poussa dans le vide à la suite
de Sheffield. Les trois hommes chutèrent dans le noir sans avoir la moindre
idée de la distance qu’il leur restait à parcourir avant
de toucher le sol. Ydis tenta de garder son calme et essaya de trouver la lanière
permettant l’ouverture de sa voile destinée à ralentir sa
chute. Au prix de mille efforts, il parvint à la saisir, la tira de toutes
ses forces et le parachute consenti à s’ouvrir en stoppant brusquement
la descente aux enfers du Faucheur Noir. Par chance, ses coéquipiers
se trouvaient non loin de lui et il put les apercevoir grâce à
la lueur blafarde de la pleine lune. L’avion en perdissions continua son
chemin incertain en perdant du kérosène, des morceaux de moteur,
d’aile et des passagers. Le feu s’empara de lui et éclaira
le ciel comme un météore qui se désintègre dans
l’atmosphère. Il termina sa course en s’écrasant sur
une plaine loin des trois hommes dans une gerbe de lumières orangées
en incendiant les alentours. Les trois survivants descendaient lentement mais
sûrement vers la ville. Juste au-dessous d’eux, ils pouvaient apercevoir
les lueurs des lampadaires, les rues, les habitations éclairées
et les silhouettes des bâtiments militaires soviétiques.
Exécutrix |
|